jeudi 21 février 2019

Les ailes du désir

Donc, j'ai un creux de trad, un mois sans rien et des corrections qui m'arriveront mi-mars, parce qu'un éditeur a repoussé celle qui était prévue et parce que j'aurais dû me secouer un peu plus pour en trouver une autre mais, devinez quoi, je préfère écrire, même si je déteste profondément ne pas savoir où je vais question finances. Il faut croire qu'une partie non négligeable de mon subconscient a décidé qu'il s'en foutait, le crétin. 

Je vais donc tenter quelque chose que je n'ai jamais fait parce que je n'y arrive pas quand je traduis. J'aime traduire, ne nous méprenons pas, mais il faut bien dire une chose : ça me bouffe une énergie de dingue. Donc, je vais tenter d'écrire un billet par jour jusqu'à ce que je reçoive mes corrections. Attache ta ceinture, lecteur, nous commençons très haut dans le ciel. 

Hier soir, j'ai revu Les Ailes du Désir pour la première fois depuis la sortie. Impossible de me rappeler où je l'ai vu, ni avec qui (ça ne veut rien dire, ça fait très longtemps que je vais au ciné seule, j'aime parler des films que je vois mais pas tout de suite après.) Tout ce dont je me rappelle, c'est qu'à l'époque, Roland et Cathy, sa compagne de l'époque n'arrêtaient pas d'en parler, le film était hyper important pour eux. Il me semble que Roland l'avait aimé, mais ça fait 30 ans et mes souvenirs sont bien flous sur certains points.  

Je m'étais ennuyée comme un rat mort, moi. 

Une des premières nouvelles que j'ai écrites contenait un personnage ailé. Ce que j'écris en ce moment en contiendra aussi.

Je déteste le cirque,  surtout les petits cirques minables et pathétiques comme celui du film. 

J'avais adoré Peter Falk.

Il fallait donc que je sache si mon moi de 1987 avait tort ou si mon moi de maintenant pouvait lui accorder que c'était un classique contemporain qui n'était pas pour lui (nous ? moi ?).
Je l'ai donc regardé en entier mais j'ai eu du mal. C'est long, merde, et il ne se passe rien. Mais c'est beau. Le noir et blanc, que j'en suis venue à trouver reposant dans notre époque de couleur souvent utilisée n'importe comment, est  devenu, avec la lenteur, la marque du film d'auteur avec un grand A — c'est pénible et c'est dommage. Donc, Berlin en noir et blanc, présent et passé, par les yeux de deux anges qui sont là on ne sait ni pourquoi ni comment — l'auteur de sf trouve ça facile, cette façon qu'ont les non-auteurs de sf de poser des situations arbitraires sans les justifier par un univers — des anges, donc, détachés de tout y compris de tout contexte religieux, qui observent les humains, entendent leur pensées, notent des bribes de beauté passagère. Ils ont des noms mais on ne les connaît qu'à la fin. Le monologue intérieur de celui joué par Bruno Gantz est magnifique, un beau texte, qui doit être de Peter Handke, le co-scénariste. On entend le rythme même lorsqu'on ne repère que trois mots d'allemand. En réalité, tout le "texte", le monologue intérieur de notre ange-point-de-vue et les pensées des humains est superbe de poésie quotidienne et surréaliste, l'art de l'énumération bien pensée, juxtaposition de hasards qui n'en sont pas, poésie, donc — et comme j'ai mauvais esprit, je me suis dit qu'ils avaient de la chance, ces anges, de ne tomber sur aucun humain dont les pensées soient grotesques ou répugnantes. 
On ne peut s'empêcher de songer à L'oreille interne, ou à l'Homme dans le Labyrinthe - j'y pense à présent, je n'y ai pas pensé en regardant le film. Il y aurait beaucoup à dire sur les longues promenades de la caméra au dessus et dans Berlin, mais cela a dû être fait mille fois par d'autres plus qualifiés que moi. Je retiendrais la bibliothèque, cette merveille d'architecture années 70, les anges qui se penchent sur les visiteurs qui lisent, travaillent, réfléchissent. Le personnage du "conteur" qui se perd et va s'endormir dans un fauteuil dans un terrain vague (note aux scénaristes : il faut arrêter avec le terrain vague noir et blanc et poétique, hein, ça va finir par se voir). 

Bref. Je m'étais dit, je vais faire trois cent cinquante mots et hop, et bien non, pas hop, j'en suis déjà à 760, 761, 762… 

Les Ailes du désir, c'est donc un ange narrateur, détaché du monde, observateur comme bien des écrivains, qui veut tomber dans le réel et y parvient, et qui a en quelque sorte de la chance. On devrait être bien plus heureux pour lui à la fin. 

(… tout le monde cherche la Potsdamer Plaz, semble-t-il)

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