…on l'avait appelé Nestor, parce que c'était un matou, un vrai, avec des coucougnettes, donc un Nestor burné, et Roland aimait Nestor Burma. C'était un chat venu sur le mur du jardin, maigre, pelé, le poil blanc, à qui j'ai donné à manger en montant sur une chaise pendant un bon mois parce qu'il ne voulait pas descendre du mur. Et puis il est descendu, en posant ses pattes gris foncé avec une pointe de blanc sur mon dos, et il a mangé, et il est devenu notre chat du dehors et un peu du dedans, le chat qui ne jouait pas et n'explorait pas, et allait toujours aux mêmes endroits dans la maison.
Et il n'était pas blanc, en fait, on s'en est aperçu quand peu à peu, son poil a poussé et il s'est requinqué et il est devenu le chat sans couleur, parce qu'il était rayé et gris et blanc en dessous, et le chat le plus peureux de la galaxie, que Natacha n'arrivait pas à approcher quand elle venait en vacances, ce qui l'agaçait beaucoup.
Et quand je suis partie de Cognac, je l'ai emmené, bien sûr, je suis pas la fille qui laisse le chat derrière elle. Pas après qu'on lui ai sauvé son œil griffé et à moitié mangé par une infection, sans doute dans une bagarre, il était pas bon pour les bagarres, c'est comme ça qu'il s'est fait refiler le sida du chat et qu'il a failli perdre un œil, mais le vétérinaire d'enfer l'avait recousu et il a perdu ses coucougnettes, histoire d'éviter les bagarres et les infections, mais il est resté notre Nestor.
Et je peux écrire sur Nestor alors que je ne peux pas écrire sur Roland, nous sommes de drôles et tristes bêtes, sur la terre des créatures où la chair, cette arnaque absolue, finit par mourir et vous laisse toute seule, sans une petite âme de gros chat gris pour vous tenir chaud l'hiver.
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