Il y a très longtemps, à l'époque où j'étais prof dans le nord de la France et où j'allais régulièrement à Bruxelles, j'ai trouvé, sans doute au Pêle-Mêle, merveilleuse et gigantesque bouquinerie, le livre dont on voit la couverture. C'est dans ce mince bouquin aux photos en noir et blanc que j'ai appris qu'on trouvait dans les tourbières d'Europe du Nord des cadavres momifiés par l'action du milieu acide. Dans ma nouvelle L'Assassinat de la Maison du Peuple, un homme des tourbières est réveillé par une météorite. C'est à ma connaissance la seule nouvelle de steampunk inspirée par la Belgique et l'art nouveau. Avec une momie et une météorite.
Je trouve les corps momifiés des tourbières bien plus fascinants que les momies égyptiennes. Ils sont certes tout applatis par l'empilement des couches de tourbe, mais mieux conservés. On voit le grain de leur peau, l'expression de leur visage. Ce sont des gens, pas des sortes de monuments en forme d'êtres humains. Et puis les sacrifices humains, c'est tellement sauvage et primitif, cela va tellement à l'encontre de notre pensée occidentale moderne, qui considère l'individu comme important en tant que personne. Ces gens-là se fichaient des personnes, ce qui comptait, c'était la communauté et son rapport avec les dieux. Qui n'existent pas. Pas au sens d'entités existant dans le monde matériel qui est le nôtre. Cela dit, les archétypes — comme la déesse de la fertilité qui à qui auraient été fait les sacrifices des tourbières — n'existent pas non plus, sinon comme des réseaux de mêmes à l'intérieur des esprits humains.
Pour en savoir plus, vous pouvez regarder le documentaire diffusé par Arte hier soir. La forme est agaçante si on connaît un peu le sujet, ce qui était mon cas, à cause de l'inutile dramatisation, mais les images sont fascinantes, tout comme le travail des chercheurs.
Donc, les momies me fascinent.
La preuve : paraîtra bientôt, dans l'anthologie du festival des Utopiales, avec plein d'autres textes de gens avec qui on ne peut qu'être ravi de se trouver (Laurent Genefort, Léo Henry, Jo Walton, Dmitry Glukhovsky, Dominique Douay, Barbara Sadoul, Michael Moorcock, Jean-Marc Ligny, Sylvie Miller et Philippe Ward, K.W. Jeter, rien que ça !!!) une nouvelle intitulée "Le court roman de la momie".
Où il est question cette fois des momies du bassin du Tarim, dans le désert du Takamaklan et de mèmes qui se propagent. On pourrait presque croire que je pense que les individus n'existent pas. Ou très peu. Disons que je trouve intéressante l'idée que nous sommes des populations de cerveaux habités par des mèmes plus ou moins liés entre eux et qui voyagent et se répandent. Les idées n'existent pas en dehors des têtes où elles logent, ce qui donne à chacun de nous plus qu'un peu de responsabilité quant à ce que nous laissons entrer dedans… ou sortir.
Mais comme on ne peut pas tout le temps se préoccuper des ventes de certain pseudo-penseur démagogue et puant, je me suis amusée à faire une mini-carte chez Moo, que vous pourrez avoir si vous allez aux Utopiales. Enfin, j'espère, parce que je ne les ai pas encore reçues !
Ce que je trouve rigolo, c'est que tu as longtemps vécu à Bordeaux, ville dans laquelle on pouvait visiter de telles momies naturelles -- au pied du clocher de l'église Saint Michel. Je les avais vues, il y a longtemps, et je ne suis plus sûr qu'elles soient encore exposées ; l'époque à laquelle elles étaient visible n'est peut-être accessible qu'aux reliquats cacochymes de mon espèce, ce qui expliquerait ta belge découverte du phénomène. -PJT
RépondreSupprimerJe n'ai pas vécu si longtemps que ça à Bordeaux : j'y venais voir mes grands-parents, pour les vacances et j'y ai vécu quand j'étais étudiante, mais je ne m'intéressais pas spécialement au passé de la ville à l'époque, c'est venu plus tard.
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