Les auteurs dans l’impasse
Côté édition, les données financières 2013 confirment que la crise économique a atteint de plein fouet le secteur du livre : plus de la moitié des 222 sociétés répertoriées accusent une contraction de leur activité. Les ventes de livres ont baissé de 16% en deux ans. Le revenu moyen des auteurs britanniques a subi une baisse de 29% entre 2005 et 2013. En France, une évaluation semblable va être réalisée par le ministère de la Culture. Nul doute qu’elle aboutira à des conclusions similaires.
Nous, auteurs, sommes le maillon vital de l’industrie du livre, celui sans lequel ce secteur économique n’existerait pas. Nous sommes aussi les plus mal lotis : à-valoir et pourcentages sans cesse rognés, conditions contractuelles toujours plus défavorables, redditions de comptes de plus en plus aléatoires, contraintes créatives sans cesse accrues. À quoi s’ajoutent désormais les enjeux liés au numérique, souvent objet d’âpres combats avec nos éditeurs. Nous sommes traités comme les fournisseurs d’une « matière première brute » dont la valeur marchande est considérée comme infime par les intermédiaires qui constituent les autres maillons de la chaîne du livre.
Corvéables à merci pour ce qui concerne la promotion de notre travail, on nous impose aussi le bénévolat lors de nos interventions dans les salons et festivals. Participer à une table ronde ou donner une conférence exige un travail préparatoire et un investissement personnel que les organisateurs refusent le plus souvent de rémunérer, chose qui paraîtrait inacceptable dans tout autre secteur d’activité.
La plupart des lecteurs l’ignorent, mais l’auteur ne perçoit sur la vente d’un livre qu’une rémunération équivalente à 5 à 10% de son prix public hors taxe – et celle d’un traducteur se limite à 1%. De cette part doivent être déduites des cotisations sociales qui s’élèvent, selon les cas, de 12 à 18%. Pour 90% des auteurs, ces contributions « solidaires » sont à sens unique : aucune couverture sociale ne compense les prélèvements obligatoires. Les 10% restants doivent par ailleurs s’acquitter de leurs cotisations retraite sécurité sociale pour bénéficier d’une couverture maladie. Si le régime social des auteurs est « assimilé » à celui des salariés, les éditeurs et diffuseurs n’y contribuent qu’à hauteur de 1,1%, à comparer avec la part de 32,8% à laquelle sont astreints les employeurs de salariés.
Cette situation professionnelle délicate promet encore de se détériorer dans les mois et les années qui viennent. Un rapport ministériel prévoit la réforme de notre régime de Sécurité sociale impliquant des prélèvements nouveaux pour les 90% d’auteurs « professionnels à temps partiel » qui cotisent déjà à sens unique : 6,75% de cotisation retraite leur seront désormais prélevés à la source, sans aucune compensation pour 75% d’entre eux. Pour les auteurs qui bénéficient de revenus annuels égaux ou supérieurs à 900 h de smic (8 470€ pour 2013, à près de 1 000€ SOUS le seuil de pauvreté), le surcroît de cotisation imposé par leur caisse de retraite complémentaire obligatoire entraînera à compter du 1er janvier 2016 une hausse record des prélèvements : 8% des revenus, soit l’équivalent d’un mois de labeur. « Mourez de faim aujourd’hui, vous mangerez mieux demain ! » Telle semble être la devise de cet organisme. On nous promet aussi pour bientôt une cotisation complémentaire santé obligatoire qui viendra encore nous enrichir.
Concernant le seuil d’affiliation fixé à 900 h de smic par an, l’inégalité de traitement avec les autres affiliés au régime général saute aussi aux yeux : cotisations établies sur la base de 275 h par trimestre pour les auteurs, mais de 150 h seulement pour les salariés. La direction de la Sécurité sociale craint la survenue d’un contentieux à ce sujet. Porté devant les instances européennes, ce dernier pourrait aboutir à une remise en cause de la totalité du système de protection sociale français. Aucune association, aucun syndicat d’auteurs ne souhaite en arriver là ? Certes, mais il appartient aux politiques d’organiser une concertation. Or, une seule réunion en ce sens s’est tenue depuis la publication du rapport préalable à la réforme : le Conseil Permanent des Écrivains a mis six mois à l’obtenir, et elle a eu lieu voici près d’un an. Depuis ? Rien. On nous promet aujourd’hui une large concertation avant le vote d’une désormais improbable « loi sur la Création », mais, dans le même temps, un représentant du ministère de la Culture affirme que « le temps politique [de la réforme] est passé », que celle-ci est d’ores et déjà « gelée ». Ne pas traiter les dossiers, serait-ce la politique des ministères de la Culture et des Affaires sociales pour échapper à toute concertation ? C’est en tout cas celle qu’ils ont développée ces derniers mois, et qui nous a conduits dans l’impasse actuelle.
Comment sortir de cette impasse ?
Pour nous, auteurs du livre (écrivains, traducteurs, illustrateurs et auteurs de bande dessinée), nous mobiliser pour défendre nos intérêts collectifs est devenu un impératif. Il faut quitter notre « tour d’ivoire » et oublier pour un temps notre individualisme. Regroupons-nous selon nos affinités, constituons des coordinations régionales ou nationales, des associations formelles ou informelles, rejoignons ou non les syndicats existants, prenons-y le pouvoir en adhérant massivement ou considérons-les comme de simples alliés dans la lutte, mais LUTTONS ! Collectivement, parce que les enjeux liés aux réformes de notre système de Sécurité sociale et de notre caisse de retraite complémentaire nous concernent tous. Prenons l’initiative de communiquer auprès des médias, des lecteurs et des autres intervenants de la chaîne du livre à propos de la situation intolérable qui nous est promise si rien n’est fait pour nous permettre d’améliorer des conditions de vie et de travail de plus en plus précarisées.
Ne nous masquons pas la réalité. Même si une mobilisation massive nous permet de faire valoir nos droits auprès des partenaires professionnels et des pouvoirs publics – et cette mobilisation est indispensable –, nous ne pourrons à nous seuls venir à bout du détricotage progressif du statut des artistes-auteurs et du droit d’auteur qu’a déjà entrepris l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Au-delà de nos organisations propres, nous devrons constituer des alliances avec d’autres intervenants du secteur culturel, représentants des artistes plasticiens, des musiciens, des cinéastes, intermittents du spectacle, notamment et faire entendre nos voix à l’échelle européenne, car tous ces combats dépassent le cadre national. Jean-Claude Juncker, nouveau président de la Commission européenne, se propose de « briser les barrières nationales en matière de réglementation du droit d’auteur et de la protection des données ». Autant dire qu’il promet de mettre à mal le système français, l’un des plus protecteurs en matière de droit d’auteur.
Répétons-le : nous, auteurs, devons aujourd’hui nous organiser afin d’imposer aux autres acteurs de la chaîne du livre le respect qui nous est dû ainsi qu’à notre travail. Comme ce fut le cas lors du récent Festival des Bulles à Saint-Malo, envisageons des débrayages lors des salons et festivals, organisons des interventions et actions, y compris à nos tables de dédicace. Mobilisons-nous pour améliorer notre statut social et bénéficier d’un véritable statut de l’artiste-auteur, qui fait encore défaut dans la législation française. Le temps presse : les deux années à venir seront décisives.
Quant à vous lecteurs, n’allez pas croire que les auteurs vivent comme des nababs. En France, le revenu moyen d’un écrivain se situe autour de 6 000 € par an.
Siège social : 32, rue Blondel, 75002 PARIS Contact : contact (at) self-syndicat.fr
Site Web: http://self-syndicat.fr/
Côté édition, les données financières 2013 confirment que la crise économique a atteint de plein fouet le secteur du livre : plus de la moitié des 222 sociétés répertoriées accusent une contraction de leur activité. Les ventes de livres ont baissé de 16% en deux ans. Le revenu moyen des auteurs britanniques a subi une baisse de 29% entre 2005 et 2013. En France, une évaluation semblable va être réalisée par le ministère de la Culture. Nul doute qu’elle aboutira à des conclusions similaires.
Nous, auteurs, sommes le maillon vital de l’industrie du livre, celui sans lequel ce secteur économique n’existerait pas. Nous sommes aussi les plus mal lotis : à-valoir et pourcentages sans cesse rognés, conditions contractuelles toujours plus défavorables, redditions de comptes de plus en plus aléatoires, contraintes créatives sans cesse accrues. À quoi s’ajoutent désormais les enjeux liés au numérique, souvent objet d’âpres combats avec nos éditeurs. Nous sommes traités comme les fournisseurs d’une « matière première brute » dont la valeur marchande est considérée comme infime par les intermédiaires qui constituent les autres maillons de la chaîne du livre.
Corvéables à merci pour ce qui concerne la promotion de notre travail, on nous impose aussi le bénévolat lors de nos interventions dans les salons et festivals. Participer à une table ronde ou donner une conférence exige un travail préparatoire et un investissement personnel que les organisateurs refusent le plus souvent de rémunérer, chose qui paraîtrait inacceptable dans tout autre secteur d’activité.
La plupart des lecteurs l’ignorent, mais l’auteur ne perçoit sur la vente d’un livre qu’une rémunération équivalente à 5 à 10% de son prix public hors taxe – et celle d’un traducteur se limite à 1%. De cette part doivent être déduites des cotisations sociales qui s’élèvent, selon les cas, de 12 à 18%. Pour 90% des auteurs, ces contributions « solidaires » sont à sens unique : aucune couverture sociale ne compense les prélèvements obligatoires. Les 10% restants doivent par ailleurs s’acquitter de leurs cotisations retraite sécurité sociale pour bénéficier d’une couverture maladie. Si le régime social des auteurs est « assimilé » à celui des salariés, les éditeurs et diffuseurs n’y contribuent qu’à hauteur de 1,1%, à comparer avec la part de 32,8% à laquelle sont astreints les employeurs de salariés.
Cette situation professionnelle délicate promet encore de se détériorer dans les mois et les années qui viennent. Un rapport ministériel prévoit la réforme de notre régime de Sécurité sociale impliquant des prélèvements nouveaux pour les 90% d’auteurs « professionnels à temps partiel » qui cotisent déjà à sens unique : 6,75% de cotisation retraite leur seront désormais prélevés à la source, sans aucune compensation pour 75% d’entre eux. Pour les auteurs qui bénéficient de revenus annuels égaux ou supérieurs à 900 h de smic (8 470€ pour 2013, à près de 1 000€ SOUS le seuil de pauvreté), le surcroît de cotisation imposé par leur caisse de retraite complémentaire obligatoire entraînera à compter du 1er janvier 2016 une hausse record des prélèvements : 8% des revenus, soit l’équivalent d’un mois de labeur. « Mourez de faim aujourd’hui, vous mangerez mieux demain ! » Telle semble être la devise de cet organisme. On nous promet aussi pour bientôt une cotisation complémentaire santé obligatoire qui viendra encore nous enrichir.
Concernant le seuil d’affiliation fixé à 900 h de smic par an, l’inégalité de traitement avec les autres affiliés au régime général saute aussi aux yeux : cotisations établies sur la base de 275 h par trimestre pour les auteurs, mais de 150 h seulement pour les salariés. La direction de la Sécurité sociale craint la survenue d’un contentieux à ce sujet. Porté devant les instances européennes, ce dernier pourrait aboutir à une remise en cause de la totalité du système de protection sociale français. Aucune association, aucun syndicat d’auteurs ne souhaite en arriver là ? Certes, mais il appartient aux politiques d’organiser une concertation. Or, une seule réunion en ce sens s’est tenue depuis la publication du rapport préalable à la réforme : le Conseil Permanent des Écrivains a mis six mois à l’obtenir, et elle a eu lieu voici près d’un an. Depuis ? Rien. On nous promet aujourd’hui une large concertation avant le vote d’une désormais improbable « loi sur la Création », mais, dans le même temps, un représentant du ministère de la Culture affirme que « le temps politique [de la réforme] est passé », que celle-ci est d’ores et déjà « gelée ». Ne pas traiter les dossiers, serait-ce la politique des ministères de la Culture et des Affaires sociales pour échapper à toute concertation ? C’est en tout cas celle qu’ils ont développée ces derniers mois, et qui nous a conduits dans l’impasse actuelle.
Comment sortir de cette impasse ?
Pour nous, auteurs du livre (écrivains, traducteurs, illustrateurs et auteurs de bande dessinée), nous mobiliser pour défendre nos intérêts collectifs est devenu un impératif. Il faut quitter notre « tour d’ivoire » et oublier pour un temps notre individualisme. Regroupons-nous selon nos affinités, constituons des coordinations régionales ou nationales, des associations formelles ou informelles, rejoignons ou non les syndicats existants, prenons-y le pouvoir en adhérant massivement ou considérons-les comme de simples alliés dans la lutte, mais LUTTONS ! Collectivement, parce que les enjeux liés aux réformes de notre système de Sécurité sociale et de notre caisse de retraite complémentaire nous concernent tous. Prenons l’initiative de communiquer auprès des médias, des lecteurs et des autres intervenants de la chaîne du livre à propos de la situation intolérable qui nous est promise si rien n’est fait pour nous permettre d’améliorer des conditions de vie et de travail de plus en plus précarisées.
Ne nous masquons pas la réalité. Même si une mobilisation massive nous permet de faire valoir nos droits auprès des partenaires professionnels et des pouvoirs publics – et cette mobilisation est indispensable –, nous ne pourrons à nous seuls venir à bout du détricotage progressif du statut des artistes-auteurs et du droit d’auteur qu’a déjà entrepris l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Au-delà de nos organisations propres, nous devrons constituer des alliances avec d’autres intervenants du secteur culturel, représentants des artistes plasticiens, des musiciens, des cinéastes, intermittents du spectacle, notamment et faire entendre nos voix à l’échelle européenne, car tous ces combats dépassent le cadre national. Jean-Claude Juncker, nouveau président de la Commission européenne, se propose de « briser les barrières nationales en matière de réglementation du droit d’auteur et de la protection des données ». Autant dire qu’il promet de mettre à mal le système français, l’un des plus protecteurs en matière de droit d’auteur.
Répétons-le : nous, auteurs, devons aujourd’hui nous organiser afin d’imposer aux autres acteurs de la chaîne du livre le respect qui nous est dû ainsi qu’à notre travail. Comme ce fut le cas lors du récent Festival des Bulles à Saint-Malo, envisageons des débrayages lors des salons et festivals, organisons des interventions et actions, y compris à nos tables de dédicace. Mobilisons-nous pour améliorer notre statut social et bénéficier d’un véritable statut de l’artiste-auteur, qui fait encore défaut dans la législation française. Le temps presse : les deux années à venir seront décisives.
Quant à vous lecteurs, n’allez pas croire que les auteurs vivent comme des nababs. En France, le revenu moyen d’un écrivain se situe autour de 6 000 € par an.
Siège social : 32, rue Blondel, 75002 PARIS Contact : contact (at) self-syndicat.fr
Site Web: http://self-syndicat.fr/
bonjour,
RépondreSupprimerj'aimerais savoir comment prendre contact avec vous afin de vous posez certaines questions concernant la compréhension de votre nouvelle "PETER PAN NE MEURT JAMAIS" que j'ai beaucoup aimé :)
en vous remerciant par avance,
Céline Chenot