mercredi 22 décembre 2010

Joyeux Noël.

Noël, si on y réfléchit bien, n'est en fait, pour la plus grande partie de notre existence, qu'un interminable, inutile et douloureux exercice de nostalgie.

Je ne me souviens pas d'avoir "cru" au Père Noël. Je me souviens d'avoir attendu qu'une puissance abstraite et merveilleuse — et dont l'existence n'était attestée que par la parole de mes parents — fasse se matérialiser des cadeaux sous un sapin (un vrai, qui clignotait et qui sentait bon et dont l'odeur disparaissait avec l'assèchement de ses innombrables et traîtresses aiguilles et les protestations de ma maman, qui allait devoir les ramasser… )



Je me souviens d'avoir, en tant que grande sœur, prétendu qu'il existait pour mon petit frère, plus jeune, et qui y croyait encore. Noël était donc déjà, à ce compte là,  un souvenir.

Une invention, et pas un mensonge.
Les parents ne mentent pas en parlant du père Noël, et s'ils mentent, combien d'enfants les croient-ils bêtement, sans jamais les questionner ? Mes parents avaient des réponses à toutes les questions que pouvaient poser leurs filles en quête de la vérité noëlliene. Essayer de savoir si l'on vous fait marcher, et comment, et jusqu'à quel point, fait partie du jeu. Et quel enfant n'a pas été ravi d'avoir deviné, et en devinant, d'être passé dans le monde des adultes, ou la parole est reine et instaure l'existence de la magie ?

Plus tard, on revient chez ses parents pour essayer de la faire revivre, durer, revenir. En vain. Les madeleines ne sont pas des machines à voyager dans le temps.  Je suppose que les gens qui font des enfants s'efforcent de leur donner ce qu'ils ont reçu — ou pas, de toute façon, rien de tout ça n'existe plus ailleurs que dans leurs mémoires.

J'essaie d'imaginer comment mes nièces se rappelleront un jour de leurs Noëls.

Un interminable exercice de nostalgie…

dimanche 12 décembre 2010

Back from Sèvres.

Bon, ben Sèvres, c'était bien. Voir Markus Leicht prendre en photo Michel Jeury, Gérard Klein et Yves Frémion en train de papoter, c'était bien. Et Roland retrouver un pote avec qui il échangeait des Fleuves quand ils étaient mômes aussi. Les expos étaient superbes, les gens étaient de bonne humeur. Que demander de plus. Ah, si, une charmante jeune femme est venue me dire qu'elle avait utilisé Haute-École dans un DEA pour montrer qu'on pouvait écrire de la fantasy pas complètement conne. Et les trois chats ont été sages à la maison. Dès fois on pourrait croire qu'on est tombé sur le bon univers…

samedi 30 octobre 2010

Le couloir du consommateur mort.

Dis-moi où tu fais ton marché et je te dirai qui tu es.
Ou combien tu gagnes. Et où tu habites. Sans oublier le statut socio-professionnel de tes arrières-grands-parents, je parie. Enfin bref. 

Je suis allée faire trois courses à Auchan, où je n'avais pas mis les pieds depuis un moment, préférant des lieux moins chers et moins grands. Lequel Auchan a été agrandi-refait il y a peu sans que je vois le résultat final de  la pensée moderne en action. Allons-donc, me dis-je, faire un tour à Auchan, puisqu'on y trouvait autrefois de la pâte de curry consommable qu'on ne trouve pas ailleurs (oui, la province, c'est dur parfois.)

Évidemment, le rayon exotique a été refait : on y trouve des kits à sushis et des ramens-minute, mais plus la pâte de curry dont j'avais envie. Et il n'est pas loin du rayon "produits étrangers", ce qui donne l'impression, tout à coup, que l'Angleterre est à l'autre bout du monde. D'ailleurs, elle a dû s'éloigner : 4 euros les 3 rouleaux de polos, quand on sait combien ça coûte sur place, on craint le déplacement dans un autre univers… ça fait froid dans le dos. 

Mais ce n'est rien à côté du nouveau rayon discount-pas de marques-pas cher. 
Imaginez (si vous n'avez pas de magasin Auchan à proximité, sinon, allez voir ici.), un rayon annoncé par de grands panneaux orange-vif-moche qui déclarent "Self-Discount", un rayon petit et  nu, garni de cartons ternes et de produits laids, que même chez Lidl ils n'oseraient pas en proposer des comme ça. "Self-Discount",  parce qu'on peut acheter des trucs au poids, genre des bonbons pour les mômes, comme s'ils allaient  avoir envie de bonbons au kilo sans marque… Self-discount, je suppose, parce que tu fais des économies tout seul, comme un grand, tu te prend en charge, en quelque sorte. Allez voir le blabla sur le site, c'est grandiose : comment  (tenter de) vendre la pauvreté à la sauce narcissisme-développement personnel.

Une hallucination. Un cauchemar. Un truc qui en gros, proclame  « entre ici à tes risques et périls, consommateur désargenté qui s'est fourvoyé dans ce temple de la consommation sans en avoir réellement les moyens. On est vaguement au courant que tu peux trouver moins cher ailleurs, alors bon, on te propose ça, mais franchement, ça nous gave, tu préfères pas aller visiter les autres rayons ? Sous entendu : si tu veux vraiment être un vrai client, pas une sous-merde fauchée. » Self-Discount : soyez au rabais !

Le couloir de la mort du consommateur, me suis-je dit.  
Et inversement. 




lundi 25 octobre 2010

EifelheimEifelheim by Michael Flynn

My rating: 5 of 5 stars


Excellent ouvrage. Suspense plus que bien mené, situation de vraie SF traitée avec érudition sans jamais ennuyer. La croyance du prêtre n'est jamais un obstacle à son intelligence, et on est aussi intéressé par la pensée des hommes du moyen âge que par celle des extra-terrestres. Une confrontation entre paradigmes qui en dit plus long sur la nature de l'intelligence et la condition des êtres vivants dans cet univers que bien des baragouins métaphysiques.
Final éblouissant.



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jeudi 16 septembre 2010

Autointerviouve

— Et alors, mâme Denis, vous les avez comment vos idées ?
— Ben, je sais pas moi, comme tout le monde. Tout à l'heure, je ne sais plus à quoi je réfléchissais, je suis sortie dans le jardin cueillir une feuille de laurier pour mettre dans les lentilles, et j'ai pensé "Des lauriers pour les brutes."
— Des lauriers pour les brutes ?
— Oui.
— Et alors ?
— Et alors rien. C'est très fin 2010, je trouve. C'est peut-être un titre de quelque chose.
— Un titre de quoi ?
— J'en sais rien. Vous voulez savoir comment j'ai mes idées, c'est la réponse : lentement.

dimanche 12 septembre 2010

Le petit supplément de la mère Denis du dimanche et de la Convention n°8 :

Quoi ? Ça fait déjà deux semaines que je fus à Grenoble me replier dans le milieu des identitaires de la SF dure, pure et éternellement inoxydable.
(Note : insérer réflexion profonde sur le temps qui passe.)

C'était quand déjà la dernière ? Deux mille quelque chose à Tilf ?
Et la première ? Pouf pouf, la première, c'était Leeds en 1985. Je me suis retrouvée assise par terre avec John Brunner mangeant un sandwich  assis sur un sofa et j'ai prêté mon stylo à Norman Spinrad. J'ai fait un article dans A&A, le premier. Je savais depuis un bon moment qu'il y avait des fanzines en France (j'avais lu Univers, Futurs, quelques Fiction…) mais j'avais pas les sous pour m'abonner, mais aux vacances de Noël, ma copine Nathalie Mège et moi avions eu la bonne idée d'entrer dans la librairie de Francis Valéry. 
Tout cela ne pouvait qu'aboutir à condamner la SF française à une pitoyable existence faite de repli, de nombrilisme et d'insuccès commercial persistant… 

Y'avait pas internet à l'époque. Si si, je vous jure. Et trois chaînes.  Coluche  Desproges et Thierry le Luron étaient encore vivants. L'URSS existait encore.  Un Mac II coutait plusieurs milliers de francs. Quand je suis rentrée, Canal Plus était lancée et tout le monde parlait d'un certain Petit Grégory et de la montée de Le Pen, dont les journaux anglais n'avaient strictement rien dit. 

En gros, pour qui s'intéressait à la SF, voulait en écrire et n'avait pas la moindre connaissance d'un quelconque "milieu littéraire" et qui, de surcroit, avait lu moultes biographies d'auteurs racontant comment ils avaient fait leurs débuts, prendre part à des activités faniques semblait une bonne chose à faire. 
 
  En 1985, de mémoire, Univers (la revue) était encore annuelle (jamais pu y publier un texte, ksss), Fiction fictionnait plus ou moins mais existait, le Fleuve était la seule collection à publier régulièrement des auteurs français qui pouvaient toujours rêver de Pocket, de Présence du Futur et d'Ailleurs et Demain…  Notons que seul Ailleurs et Demain était en grand format.

La fantasy ??? Laissez-moi rire. Ah, André-François Ruaud et Patrick Marcel et sans doute d'autres que je ne connaissais pas en parlaient mais de toute façon les bouquins n'étaient pas traduis. C'était le Seigneur des Anneaux ou rien, j'exagère à peine. 

L'Atalante, Mnémos, Bragelonne, le Diable, Orbit, Folio SF,  Pocket, Mango, Wizz, La Volte, Les Moutons,  etc, les myriades de petits éditeurs,et les festivals grands et petits à la pelle — tout ça était à quinze ans dans le futur. Quinze ans, c'est long.

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On avait pas encore inventé ce terme ramolli et fourre-tout d' «Imaginaire». 
Les littératures de l'Imagitruc, non mais je vous jure. Parce qu'il n'y a pas d'Imaginaire dans la littérature dite blanche, peut-être ? Conceptuellement, l'Imagimachin n'a pas beaucoup plus de sens que le "réalisme". 
Ce qui a du sens, par contre, c'est la sociologie de l'édition : les auteurs et les genres dont on parle sous cette étiquette molle sont  globalement publiés par des éditeurs populaires ou assimilés, et ne sont pas considérées par les Galligrasseuil  et la "critique" qui va avec comme faisant partie de la tradition et du sérail. 

Différent réseaux, différents circuits, différents publics, etc.

Si vous êtes dans la marge et le flou des genres et si vous êtes Volodine, vous pouvez commencer chez PdF et  migrer chez Minuit avant d'avoir acquis une coquille d'identité trop ossifiée et faire le respectable. Aucun problème. C'était il y a vingt ans. Aujourd'hui ? Je n'en sais rien. Les places sont chères.

Alors, démerdez-vous, racontez-vous les histoires que voulez (ou pas) sur l'évolution de votre carrière et écrivez ce que vous avez à écrire  de la façon que vous voulez, mais par pitié cessez de me fatiguer avec cette grande flaque de mollassonnerie pour feignants du bulbe : pour qu'il y ait des "marges" et du "transgenre",  pour que ça yoyote et que ça fusionne et que ça littératurise, il faut qu'il y ait des milieux et des genres. Du solide. Du par rapport à quoi on se définit. On se pose. On existe. Rien de plus. On a jamais fait un biotope avec une seule espèce, et pour autant que je sache, appeler un chat felis silvestris catus n'a jamais fait de mal à un chien.
(Note : ne pas s'énerver inutilement sur la notion ramollie d'Imagitrucmuche, le terme est passé dans le domaine public, pire, dans la presse et le net,  la mollitude a triomphé, le combat est perdu d'avance… Ah bon ? Tant pis.)
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Des personnes présentes aux conventions du "milieu" des années quatre-vint jusqu'au milieu des années quatre-vingt dix, certains sont devenus des auteurs confirmés, ou occasionnels, certains publient ou ne publient pas, ici ou ailleurs, des critiques, des articles ou autres, certains sont partis et sont revenus, certains ont monté des festivals, des sites, des revues, certains ont cessé de lire de la SF, et assimilés, ont trouvé des jobs, des femmes, des maris, des compagnons, pondu des enfants,  ont attrapé des maladies qui ont eu leur peau, connu des bonheurs et des malheurs…
Enfin bon, vous avez compris.
Certains sont des amis de trente ans et se reconnaîtront…

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Avant, nous avions testé la panne d'auto sur l'autoroute en Corrèze.
Déjà, l'autoroute qui  permet de traverser le Massif Central à dos de viaducs et de pont suspendus, c'est de la SF. La vraie Corrèze, braves gens, c'est de la petite montagne à vaches et à champignons qui vous donne mal au cœur à cause des virages, mais bon…
Nous devions nous arrêter à Clermont, ce fut Égletons, à vingt-cinq kilomètres d'Ussel, où j'ai vécu entre 1972 et 1981. Nostalgie incompréhensible, sinon par quelque mécanisme qui nous pousse à réinterpréter sans cesse notre propre histoire — on ne peut que revenir  sur les souvenirs les mieux ancrés. Je n'aimais pas la Corrèze quand j'y habitais. Je pense avec nostalgie à ses paysages : à chaque fois que j'ai l'occasion de revoir la région, je comprends pourquoi je déteste les régions plates, pourquoi les arbres, les vrais, ceux qu'on est obligés de regarder en renversant la tête en arrière me manquent tout le temps, sans que j'en sois consciente.
(Note : insérer réflexion profonde sur la nostalgie qui, depuis Proust, est synonyme de littérature. Et inversement. )

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Bon, ce qui m'agace le plus, de nos jours, c'est cette manie du pseudo. 
Déjà que je n'identifie les gens  que si j'ai parlé avec eux (et encore…) , si en plus il faut que je retienne deux ou trois noms par personne comment je m'en sors ?
Don Lorenjy, donc, c'est Laurent Gidon. Pendant le débat sur "Les Mondes d'auteurs", il était vautré sur sa chaise, ses grandes jambes étalées devant lui. Cool.
Roland Lehoucq n'est pas un vieillard chenu parlant par équations : c'est un type jeune et sympa et qui fait d'excellentes conférences.  
J'ai entendu Bernard Henninger parler de je ne sais quoi qu'il disait sur Actu SF mais je ne sais pas sous quel pseudo, me voilà bien avancée. 
Roland et moi avons passé quelques bons moments avec Cécile Duquenne, une autrice Voy'El, et Corinne Guitteaud. La capacité de travail, la détermination et l'indépendance de cette fille m'épatent….  .
Avec Pierre Gévart, j'ai parlé administrations et préfets. 
Avec Markus Leicht (oui, lui, son pseudo, je m'en souviens ! ), nous avons mis au point la réédition de la première nouvelle de moi qu'il a publiée. New and improved !!!
Dominique Martel s'est moqué de ma souplesse pour descendre les escaliers, mais heureusement, l'une des organisatrices d'une future convention (dont le nom m'échappe hélas) m'a donné des conseils pour future vieille à arthrose.
Jérôme Vincent m'a dit qu'il avait vendu plus de livres qu'à Saint-Malo. Ah bon ?  Pourquoi ne suis-je pas surprise…
La bière à la noix était excellente.

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L'organisation (merci à Frédéric Fromenty et Gilles Goullet !!!) était excellente, l'endroit bien choisi — bien que les campus où l'on ne peut pas s'orienter parce que les bâtiments, qui se ressemblent tous de toute façon, sont cachés par des arbres, me rendent parano, mais bon, voir entre deux échantillons d'architecture universitaire d'immenses blocs de stratifications géologiques pointer leur  museau géant sur fond d'azur alpestre, c'est carrément le pied. 
Et proposer du café et des viennoiseries aux arrivants du matin, ça c'est une idée ! (Rien de plus horrible que de se réveiller en constatant qu'on ne peut plus déjeuner à l'hôtel et que le premier troquet se trouve à l'autre bout du désert universitaire…)

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Ah, oui, dans les conventions, il y a des invités. Andrevon n'est pas venu pour des raisons personnellement personnelles. N'étant pas là le jeudi, nous avons raté  le débat sur "Société de contrôle et libertés" avec Alain Damasio. Avons mangé une fois avec lui, le temps que Roland raconte comment il était à Grenoble à quatorze ans, et je ne l'ai plus revu. 

Bon, j'avoue que les débats me posent problème : je n'ai en général pas l'énergie pour écouter quoi que ce soit en continu. Pareil pour les remises de prix  et la vente aux enchères : je finis toujours par errer lamentablement aux abords de la foule pour échapper aux sonos trop fortes et aux discours  trop longs — c'est lamentable, je sais, mais c'est comme ça. 

Ravie qu'Ugo Bellagamba et Jérôme Noirez aient eu le Rosny. 
(Vraiment pas fan du texte de Léo Henry que tout le monde a porté aux nues : faire partie d'un réseau mouvant de gens entretenant (ou pas) diverses relations à teneur plus ou moins artistique et alcoolisée, je veux bien, envisager des "cités d'artistes" choisis selon de nébuleux critères génétiques  (Le potentiel  de création ? késako ? L'art, tu le crées ou tu le crées pas, le reste, c'est de la branlette ! )

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Ah, oui, l'autre détail cocasse était que le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélanchon avait son université d'été quelque part dans un des blocs derrière les arbres. Malgré les tentatives de séparer les  espaces et les tables réservés sous les arbres aux deux groupes  par une bande de plastique rayé blanc et rouge genre Les experts du pauvre, les deux  se sont frôlés et les gens se sont même parlés (c'est fou, non ???). Roland a félicité madame Martine Billard, la député verte qui avec les autres mousquetaires, à  tenu tête à la bêtise lors du débat sur Hadopi. On lui a offert l'Appel d'Air.  (Non pas que je pense qu'elle aura le temps de le lire, mais l'idée m'amusait…)
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La convention est une démocratie sans territoire qui se reconduit par  scissiparité et autogestion  d'année en année dans une glorieuse transmission de mêmes faniques idiots, inutiles et infiniment jouissifs. 

Prochains arrêts : Esneux (Belgique) ; Orléans

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