lundi 14 juillet 2014

Le petit supplément de la convention mondiale : les lectures des prix hugos

Deuxième novelette : Opera Vita Aeterna”, Vox Day (The Last Witchking, Marcher Lord Hinterlands)

Autant le dire tout de suite : je n'avais pas la moindre idée de qui était l'auteur avant de lire le texte et je ne suis pas allée chercher avant lecture, vu que c'est un peu le but du jeu, découvrir des auteurs et des textes.
Et donc, coup de chance, ça se passe dans un temps et un univers où il y a des elfes, et j'étais plutôt d'une humeur à elfes, parce que j'ai vu le deuxième Hobbit de Peter Jackson il y a quelques temps, lequel ne m'a laissé aucun souvenir, sinon que les meilleurs passages étaient ceux avec des elfes, ce qui m'a rappelé l'époque lointaine ou les elfes selon Tolkien me fascinaient et où Legolas (qui est tout de même un des personnages  les plus unidimensionnels qu'on ait jamais créés, réussi, là n'est pas la question, mais unidimensionnel quand même) me paraissait empli de mystère elfique… Donc, dans un Moyen-Âge qui n'est pas le notre, un elfe arrive dans une communauté de moines. Il a décidé d'étudier de plus près leur dieu et il finit par rester parmi eux et par laisser un précieux manuscrit enluminé. Qui est tout ce qui reste de la communauté, massacrée par des gobelins pendant que l'elfe était en voyage. Ironie du sort, voies de Dieu, permanence et grandeur du verbe. Pas follement original mais fort bien tourné.
Je m'en vais donc chercher des renseignements sur l'auteur : Vox Day.
Bien (ou mal) m'en a pris. L'auteur (Vox Day, pseudonyme de Theodore Beale) s'est fait exclure de la SFWA pour avoir traité N.K. Jemisin (une auteure noire) de "demi-sauvage". En gros, c'est un chrétien fondamentaliste (Vox Day est un jeu de mot sur "Vox Dei"), un gros con de droite raciste, homophobe, misogyne, xénophobe et j'en passe.
Le passage de la nouvelle ou l'elfe s'adresse au "dieu mort" des moines pour lui demander d'accorder son paradis aux moines massacrés laisse à penser que le malheureux doit avoir quelques nœuds bien compliqués dans la tête.
Sinon, si vous avez un bon bouquin, écrit par un type normal, avec des elfes pas gnangnan, je suis preneuse.

samedi 12 juillet 2014

Le petit supplément de la convention mondiale : les lectures des prix Hugo.

Or donc, j'ai décidé, puisque être inscrite à la Convention mondiale (qui a lieu à Londres cette année, je le rappelle pour les deux ou trois distraits parmi vous…) donne droit à voter pour les prix Hugo et à télécharger les textes nominés dans les diverses catégories, je me suis dis que j'avais là un "feuilleton" de l'été tout prêt. Je lis The Magazine of Fantasy and Science Fiction pour la revue Fiction, et je lis aussi les manuscrits des auteurs français, mais je ne peux pas en parler ici, bien entendu.

J'ai donc démarré par la catégorie novellette, essentiellement parce que j'ai zappé les short-stories en téléchargeant et que je ne commence jamais par les textes les plus longs (dans un magazine ou une antho, je commence par les textes les plus courts, et je ne suis jamais l'ordre choisi par l'anthologiste, alors que j'en ai toujours choisi un avec soin quand je l'étais moi-même. On ne fait pas les anthologies ou les magazines pour soi, on les fait pour des lecteurs… qui font ce qu'ils veulent).

J'ai donc lu :

The Truth of Fact, The Truth of Feeling, Ted Chiang, Subterranean, Fall 2013.

Or donc, Ted Chiang, dont j'avais eu l'honneur de traduire Exhalaison, prix Hugo 2009 pour Bifrost n°56. Pas d'univers aux lois ahurissantes dans celle-ci, sinon celle du développement des technologies numériques. Que se passera-t-il quand on pourra (et on peut déjà, ça s'appelle le Quantified Self, qui consiste à utiliser capteurs, images et applications pour emmagasiner et analyser un maximum de donnée sur sa propre vie)  filmer tous les moments de sa vie et se les repasser à loisir ? Le narrateur est un père qui se rend compte que ni ses souvenirs, ni ceux de sa fille ne sont fiables, et que l'existence d'une application qui permet de retrouver n'importe quel moment de leur vie ayant été filmé va jouer un rôle crucial dans leur vie.
La relation du père et de la fille est mise en parallèle avec la découverte de l'écriture par les Tiv (et oui, il a fallu que j'aille les googler pour apprendre qu'il s'agit d'un peuple africain  aujourd'hui réparti entre le Niger et le Cameroun). La culture des Tiv s'appuie sur la généalogie, et la généalogie ne se fait pas de la même façon selon que vous avez une culture orale ou que vous découvrez l'écriture.
Ce n'est donc pas tant le propos du texte, plus qu'intéressant, qui m'a laissée un peu sur ma faim que la forme, avec les passages se déroulant chez les Tiv plus prenants que les considérations un peu trop détachées du père sur sa relation avec sa fille, que la forme, plombée par les nécessaires réflexions sur le rôle de l'écrit dans l'élaboration de nos souvenirs. Il va sans dire que je partage entièrement le point de vue de l'auteur : l'écriture est une technologie, et nous sommes des hommes augmentés depuis bien plus longtemps que nous le pensons…

Il vous reste sept jours pour télécharger Aknaktak !

Et voilà, on est occupé ailleurs et le temps passe et je n'ai pas fait le billet pour signaler ici la Décade de l'Imaginaire.

Aknaktak n'est ni plus ni moins qu'un (long) extrait du roman sur lequel je travaille en ce moment, La Substance des dieux, qui est la suite, si si, de Haute-École.

Les textes de la Décade étant disponibles un mois, vous avez encore sept jours pour le télécharger gratuitement sur la plate-forme de votre choix :

• Emaginaire 
Amazon
FNAC
Epagine
Googleplay
Immatériel

bonne lecture !







lundi 9 juin 2014

On apprend à cesser de lire les pompeuses sentences…

On apprend à cesser de lire les pompeuses sentences censées vous instruire sur la vie, la mort et la meilleure manière de se tenir à table que lorsqu'on a passé suffisamment de temps dans cette vallée de bruit et de fureur et que l'on a constaté que notre insatiable besoin d'y imposer du sens est surtout cela : insatiable.

On trouve tout cela inutile et puéril, et relevant de l'adolescence, qui a besoin de miroirs pour se regarder dedans et de maximes pour savoir comment se tenir.

Mais aucune maxime à la con, aucune phrase bien tournée, aucun poème, aucun roman n'est de la moindre utilité devant la mort, qui n'est ni vulgaire ni élégante, ni rien du tout. La mort n'est pas qualifiable, sauf si vous vous bercez d'illusions sur une quelconque survie d'on ne sait qu'elle essence d'âme qui survivrait aux avanies que la biologie impose au corps en fin de parcours.

On ne parle pas aux morts parce que les morts ne sont plus là, on se parle à soi-même, comme on parle à un nounours ou à une poupée, pour se sentir moins seul et pour avoir moins mal.

La mort n'est pas qualifiable et ni la philosophie ni la littérature ne sont du moindre soutien.
La mort est finale et n'a rien à vous dire, que ce soit sur vous ou sur la vie ou le reste de l'univers. 

dimanche 23 mars 2014

Hmmm, tiens, ça faisait longtemps que je n'avais pas été vérifier si le futur était toujours mou. Pour les meubles, c'est ici.

Le petit supplément de la mère Denis du dimanche électoral (n°15) :

J'ai profité d'une éclaircie (ensoleillée mais néanmoins venteuse) pour aller voter à l'école Rouget de l'Isle, on ne peut pas faire mieux en matière de nom républicain, mais je regrette quand même la mairie de Cognac, où j'allais voter alors que nous avions déménagé dans un autre quartier et que j'aurais dû le signaler.

Mais j'aimais bien aller à la mairie, avec ses grandes salles dallées de marbre, ses moulures et son côté riche et pompier. Et j'aimais le parc, surtout depuis qu'après la tempête de 99 la municipalité lui avait redonné ses attributs de jardin anglais : la rivière et le pont en faux rondins de mortier moulé, la tour gothique, le plan d'eau. Je me disais toujours que je passais trop de temps dans mon bureau et pas assez dans ce genre d'endroit. 

Ici, c'était école primaire parfaitement banale, pas du tout moderne. Les gens aussi sont différents, ils ont moins cet air de bourgeoisie rassise, avec ses mamies en grands manteaux chicos et ses pétasses à 4X4 qui encombraient les rues à la sortie des écoles et plus de gens-normaux-qui-bossent.
Et donc, mon devoir électoral accompli, je suis revenue par une rue transversale, où j'ai découvert l'existence du Récré-Café un salon de thé avec espace pour mômes, genre piscines à balles et autres toboggans.
Et en rentrant, vite parce que vraiment, ça souffle et ça caille, je me suis dit qu'après les salons de thé à chats et les salons de thé pour parents, on ne manquerait pas d'avoir les salons pour ados, où on a pas le droit de causer mais où toutes les interactions se font par smartphone, les salons pour célibataires esseulés, avec appli pour chercher un plan cul en buvant son rooibos et les salons pour veufs et veuves, où dans un premier temps  on pourra venir avec la photo de son disparu et prendre un capuccino, en attendant l'androïde avec sa personnalité téléchargée dedans, avec qui on pourra interagir le temps d'une pâtisserie et sur abonnement. N'empêche que le bar à mômes était ouvert, contrairement à tous les autres du quartier, ce qui serait sympa sauf que je ne vois pas comment je pourrais écrire dans un environnement rempli de piaillements de moutards. Sans compter que je ne vois pas pourquoi on réserve les piscines à balles aux gamins. C'est vrai quoi. Y'a pas de raison.

mardi 11 mars 2014

True Detective, le petit supplément avant la fin, n°14.




I'd consider myself a realist, alright? But in philosophical terms I'm what's called a pessimist... I think human consciousness is a tragic misstep in evolution. We became too self-aware. Nature created an aspect of nature separate from itself - we are creatures that should not exist by natural law... We are things that labor under the illusion of having a self, that accretion of sensory experience and feelings, programmed with total assurance that we are each somebody, when in fact everbody's nobody... I think the honorable thing for our species to do is to deny our programming. Stop reproducing, walk hand in hand into extinction - one last midnight, brothers and sisters opting out of a raw deal." Rust Cohle.

"I get a bad taste in my mouth out here... aluminum... ash... like you can smell a psychosphere. Rust Cohle. "

True Detective et Hannibal, ou comment, pour la nième fois, j'ai remis le nez dans une histoire de sérial killer alors que j'avais juré de ne plus me faire avoir. La dernière étant Dexter, où je me suis arrêtée à la cinquième saison. Mais j'en parlerai quand je parlerai d'Hannibal, ce soir, c'est True Detective time. 

J'ai adoré les premiers épisodes, la construction en flash-back, avec la discussion entre les flics d'aujourd'hui et les anciens, les flash-backs joués par les mêmes acteurs, absolument excellents. Et des dialogues brillants entre le flic intello-pessimiste et le flic-beauf-normal.
C'était plus intéressant de savoir comment le Rust bien propre était devenu cette espèce de semi-épave désabusée — bon, il l'était déjà avant, voir la citation ci-dessus — et néanmoins dix fois plus malin qu'un flic devrait l'être, et pourquoi et comment lui et son collègue n'étaient plus amis et plus dans la police. On finit par y arriver, en passant par une fausse piste de serial killer et les ravages du temps sur le couple et le retour à l'obsession d'une affaire non résolue, et au moment où j'écris ceci, en n'ayant pas vu le 8ème et dernier épisode, il semble assez clair que le sérial killer est quelqu'un de haut placé dans la classe dirigeante de la Louisiane. 
La question n'est donc pas de savoir s'ils vont trouver le coupable : ils vont le trouver parce que Rust est assez malin pour —, mais ce qu'ils vont faire de leur découverte : le choper et ramasser les lauriers, ce serait trop simple et trop happy end. Faire justice eux-même est une possibilité mais ce n'est pas ce qu'on fait dans les séries — ou alors, ils le tuent par accident, ou dans la confusion d'un beau final d'action. Ils peuvent aussi ne pas le choper et disparaître dans les marais de Louisiane, quelque part dans la brume électrique, ça le ferait tout à fait — disons qu'une fin sans justice serait en accord avec la vision de Rust. (Oui, l'une des raisons pour lesquelles j'ai aimé est que j'ai lu Dans la brume électrique avec les morts confédérés, de James Lee Burke cet été, en accompagnement de la traduction du bouquin de Norman Spinrad, Police State, à paraître chez Fayard, et que c'est pile-poil la même ambiance. Le désespoir du bayou, le marécage de la glauquerie humaine. Le bouquin de Norman en étant l'envers satirique et politique et dionysiaque…).

Enfin bref, je suis assez fière d'avoir réussi à jouer des globes oculaires sur les statuts Facebook commentant la fin et de pouvoir la regarder pour ainsi dire sans interférence. 
N'empêche qu'avec Hannibal ça fait deux séries eganniennes en ce moment. Pour la peine, je traduis la citation d'en haut : 

Je me considérerais plutôt comme un réaliste, ok ? Mais en termes philosophiques, je suis ce qu'on appelle un pessimiste… Je crois que la conscience est une erreur tragique de l'évolution. Nous sommes devenus trop conscients. La nature a créé un aspect de la nature séparé d'elle-même - nous sommes des créatures qui ne devraient pas exister selon les lois de la nature. Nous sommes des choses qui souffrent de l'illusion de posséder un soi, cette accrétion d'expériences sensorielles et d'émotions programmés avec la certitude absolue d'être chacun des individus, alors qu'en fait, personne n'est qui que ce soit… Je crois que la chose honorable que notre espèce devrait faire serait de nier notre programmation. D'arrêter de se reproduire et de marcher main dans la main vers l'extinction — un dernier coup de minuit, frères et sœurs se sortant d'une situation injuste. 

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