mardi 28 octobre 2008
Bifrost 52 :
Lorsque l’aide psychologique affectée aux longues peines m’a demandé de rédiger un compte-rendu sur les circonstances qui m’ont amenée ici, elle a précisé que je pouvais avoir accès à la réalité synthétique de mon choix.
— Si vous en avez besoin pour vous détendre, vous mettre en condition, a-t-elle ajouté, n’hésitez pas.
Je lui ai demandé si elle se fichait de moi.
— Bien sûr que non !
— Vous ne savez pas pourquoi je suis ici ?
— Je ne consulte jamais cette partie des dossiers qui me sont confiés.
J’ai ricané.
— Pour ne pas gaffer, j’imagine.
— Et porter sur mes patients un regard aussi neutre que possible.
Pardon ? Un regard quoi ? Sur des patients condamnés et internés ? Elle se fichait de moi. Je m’en croyais pas mes oreilles, j’avais envie d’attraper le petit dossier posé bien droit devant elle et de le lui jeter à la figure, comme dans ces scènes de vieilles séries télés où des types pètent les plombs dans des pièces vides, quelque part au fond d’un commissariat… Mais bon… Je n’ai donc rien fait et rien dit.
Pas parce qu’elle avait l’air plus sincère que quiconque dans cet établissement, mais parce que le règlement stipule que les prisonniers enfermés pour problèmes d’adaptation sociale paient leur conseiller psychologue grâce au salaire que la clantreprise leur octroie en contrepartie de « travaux d’intérêt général ». En résumé, je la payais pour qu’elle ait l’air sincère. Je ne pouvais pas me plaindre parce qu’elle y parvenait.
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